Périscolaire et apprentissage

Faire de la musique, un passeport pour la réussite à l'école

 

Si la simple écoute de Mozart ne rend pas les enfants plus intelligents, en revanche, la pratique musicale précoce aide les enfants à développer des facultés cognitives et sociales pouvant jouer un rôle majeur pour leur vie scolaire et professionnelle. Les études scientifiques sont unanimes, la musique sculpte notre cerveau, soutient les capacités d’apprentissage et de coopération, développe l’attention, la confiance en soi et l’empathie des élèves et favorise les autres apprentissages.

 

Malheureusement, la pratique de la musique en France peut s'avérer discriminante et intervient trop tard dans le développement des enfants, puisqu'elle n'arrive qu'en 6e pour tous. Les élèves sont-ils condamnés à un déterminisme social lié à leur possibilité d’accès à une éducation musicale ? Comment faire si l’on n’a pas soi-même de formation musicale ou les ressources financières pour inscrire son enfant à des cours de musique ?

L’impact de la musique sur les compétences non musicales

En amont des apprentissages, l’école aide les élèves à développer des compétences nécessaires pour leur vie future : rigueur, respect des consignes, gestion du temps, curiosité, esprit critique, … Autant de facultés que vient renforcer la pratique musicale. En effet, l'apprentissage d'un instrument ou du chant demande un entraînement régulier et une discipline personnelle, des qualités essentielles pour la réussite scolaire – et plus tard, professionnelle. Elle participe à la découverte de cultures, de traditions, d’époques et de régions, exposant les élèves à une diversité et une ouverture sur le monde inestimables. La musique encourage également la créativité et l'innovation, des compétences de plus en plus valorisées dans le monde professionnel actuel.

La musique promeut également la cohésion sociale, la coopération et le sentiment d’appartenance à un groupe, notamment à travers la participation à un ensemble, une chorale ou un orchestre. « Les enfants ont besoin de la musique pour apprendre le vivre ensemble » assure Joan Koenig, fondatrice de l’école maternelle bilingue Koenig, qui utilise une pédagogie basée sur la musique. « Chanter ensemble, rechercher l’unisson, ça apprend à faire groupe, à jouer collectif. L’effort réalisé pour se synchroniser, c’est le même qui permet de se comprendre en tant qu’êtres humains. »

entretien avec Joan Koenig sur la musique et l'apprentissageRetrouvez l'interview vidéo de Joan Koenig sur l'influence de la pratique musicale sur les enfants

Et ce n’est pas tout. Des études en neurosciences cognitives ont démontré que la formation musicale entraîne des changements structurels et fonctionnels dans le cerveau, en particulier dans les zones impliquées dans le traitement du langage et des mathématiques. Conséquences directes : les enfants qui reçoivent une formation musicale régulière tendent à obtenir de meilleurs résultats en lecture et en mathématiques par rapport à leurs pairs non musiciens. C’est ce que confirme le neurologue et neurophysiologiste Pierre Lemarquis, auteur de l'ouvrage « Les pouvoirs de la musique sur le cerveaux des enfants et des adultes » (Odile Jacob, 2021) : dans Le pouvoir de la musique sur le cerveau des enfants et des adultes, il démontre par quels mécanismes elle contribue au bon développement de la motricité et de la coordination, mais aussi à l’apprentissage du langage et de l’écriture.

Pour mettre en pratique ces découvertes fondamentales du fonctionnement du cerveau, l’école Koenig offre un apprentissage multimodal de la lecture et des mathématiques : « Dans tous les pays du monde, l’apprentissage de l’alphabet est accéléré et rendu plus pérenne lorsqu’il est réalisé en chanson » explique Joan Koenig. « La pratique musicale favorise la reconnaissance des phonèmes, du rythme des mots et des phrases, et aide les enfants à reconnaître les syllabes au sein d’un mot. De la même manière, lorsqu’on aborde les mathématiques par le chant et la gestuelle, on instaure chez les enfants un rapport aux chiffres plus concret, basé sur le corps. Cela leur permet de construire une compréhension viscérale des éléments de base des mathématiques, un socle solide qui rendra possible la suite des apprentissages. »

Car la musique offre une application immédiate des grands principes mathématiques. Les concepts de rythme et d’intervalles sont directement liés à ceux des fractions et des divisions. L’appréhension de la durée des notes renforce les compétences en mesure et en chronologie. L’identification des motifs répétitifs et des structures logiques dans la musique améliore la capacité des élèves à identifier et comprendre les séquences et les motifs mathématiques.

Moreno Andreatta, docteur en musicologie computationnelle de l'EHESS et directeur de recherche au CNRS au sein de l’IRMA (Institut de Recherche Mathématique Avancée), met en évidence les liens physiques entre la musique et les mathématiques à travers la gamme de Pythagore : « On prend une ficelle qui produit un son, si on la coupe en deux, elle produira le même son une octave au-dessus. Si on la coupe en trois et qu’on conserve les deux tiers, on obtient une quinte. Et si on la coupe en quatre parties et qu’on conserve les trois quarts, on obtient une quarte. Par cette simple expérimentation, les élèves peuvent obtenir une compréhension concrète du concept de fraction. »

Grâce à cette compréhension incarnée des concepts mathématiques, les élèves acquièrent une base solide sur laquelle ils pourront s’appuyer pour la suite de leur cursus scolaire. Mémoire, concentration, compréhension verbale, résolution de problèmes, … la liste des atouts de la musique pour l’apprentissage scolaire et le développement cognitif sont indéniables. Mais alors, pourquoi la musique ne fait-elle pas encore partie des enseignements obligatoires à l’école primaire ?

Ne pas faire de musique, un handicap social ?

Si les enjeux d’une éducation musicale sont si nombreux, ne risque-t-on pas de creuser les écarts entre les familles pouvant offrir une éducation musicale à leurs enfants et celles qui n’ont pas les ressources culturelles ou financières pour le faire ? Comment expliquer le fait que la musique ne soit toujours pas entrée dans les programmes scolaires des écoles primaires ? Pour Joan Koenig, si plus de 30 ans d’études scientifiques prouvent que la musique est un élément constructeur pour l’enfant, cette information reste relativement récente dans l’histoire de l’école, et les programmes n’ont pas encore suivi.

Pourtant, certains pays ont intégré l'apprentissage de la musique dans leur programme scolaire et, dans certains cas, l'ont rendu obligatoire à différents niveaux d'enseignement. En Finlande, réputée pour son excellent système éducatif, l'éducation musicale est obligatoire dans les écoles primaires et secondaires. Les élèves finlandais bénéficient de cours de musique réguliers, qui font partie intégrante du curriculum national. Au Japon, l'éducation musicale est considérée comme un élément clé du développement global des élèves. Les cours de musique (chants, instruments et théorie musicale) sont obligatoires dans les écoles primaires et secondaires. De son côté, le Venezuela est célèbre pour son programme « El Sistema », qui offre une formation musicale gratuite et intensive aux enfants, en particulier ceux issus de milieux défavorisés. Bien que « El Sistema » ne soit pas obligatoire, il est très répandu et intégré dans le système éducatif national, touchant des centaines de milliers d'enfants. La Suisse, la Hongrie, l’Estonie, ou encore l’Afrique du Sud ont également mis en place des programmes d’éducation musicale obligatoires dès le primaire.

Si la musique reste le parent pauvre de l’école publique en France, des initiatives émergent pour accompagner les élèves dans la découverte de la pratique musicale. Depuis plus de 15 ans, l’association Orchestre à l'École contribue à l'épanouissement des jeunes et à la réussite par la pratique instrumentale collective en milieu scolaire. L’association aide à la création et au financement d’orchestre par l’acquisition d’instruments à l’école élémentaire, au collège et au lycée. Ce dispositif d'éducation artistique et culturelle par la pratique instrumentale touche près de 40 000 enfants chaque année et 1500 orchestres répartis sur l'ensemble du territoire.

À Marciac, petit village du Gers, la musique a véritablement sauvé le collège, menacé de fermeture par manque d’effectif. Il y a plus de 30 ans, l’ancien principal du collège et actuel maire de Marciac, Jean-Louis Guilhaumon, a été à l’initiative des « Ateliers d’initiation à la musique de jazz », inspirés des « Espaces Culturels Ruraux » du ministre de la Culture Jack Lang. Avec 5 heures d’enseignement de musique par semaine pour tous les collégiens, sans compter les cours individuels et collectifs dispensés par des musiciens extérieurs, en partenariat avec l’association Jazz in Marciac, le programme attire des élèves de la France entière.

« Nous avons créé de toute pièce ces ateliers pour développer les connaissances des élèves dans le domaine du jazz, leurs compétences en improvisation et le jeu collectif » explique Jean-Louis Guilhaumon. Et les résultats ne se font pas attendre : en ouvrant un internat dans un ancien centre de loisir, le collège a vu ses effectifs plus que doubler, et doit aujourd’hui sa survie à cette initiative, issue du festival « Jazz in Marciac » et du projet de territoire auquel il a donné le jour – avec notamment l’ouverture d’une salle de concert de 500 places et un programme comprenant 60 levées de rideaux par an.

Si certains élèves poursuivent dans cette voie, à l’instar du jeune prodige de la nouvelle vague du jazz Émile Parisien qui a fait ses gammes au collège de Marciac, la majorité retrouve un curriculum plus classique au lycée, mais tous bénéficient d’une créativité, d’un sens de l’écoute et du respect de l’autre et d’un esprit d’initiative précieux pour la construction de leur personnalité et la poursuite de leur cursus scolaire. « L’initiative a été prolongée à l’école élémentaire de Marciac, espérons qu’il en sera de même à l’école maternelle. Car toutes les études le montrent, les jeunes enfants qui sont exposés tôt à la musique et notamment au rythme voient une arborescence unique se développer dans leur cerveau » conclut Jean-Louis Guilhaumon.

En attendant que ces initiatives se démocratisent, Joan Koenig partage des conseils pratiques à destination des parents et des enseignants : « J’ai écrit le livre Tous les enfants naissent musiciens pour que les parents et les éducateurs puissent accéder aux résultats de ces recherches. Il comprend des propositions d’exercices à réaliser à la maison, sans matériel particulier. Cela peut aller de taper sur plusieurs casseroles avec une cuillère en bois, à battre des mains en rythme sur une musique ou à créer des chansons pour décrire les actions du quotidien sous forme de rap. Il n’y a pas besoin d’avoir une formation musicale classique pour faire de la musique avec ses enfants. »

 

Chiffres clés :

  • 92 % des élèves aux Etats-Unis ont accès à une éducation musicale à l’école publique (source : The Art Education Data Project).
  • Moins de 5 % des jeunes Français sont inscrits dans un conservatoire (sondage Ifop pour l’association Tous Pour La Musique, février 2017).
  • Depuis 1999, 155 000 élèves ont bénéficié du dispositif l’Orchestre à l’école.

Pour aller plus loin :

Podcast : Faites des gosses, produit par Louie Media, « Vous aussi votre enfant aime Mozart ? ».

Livre : Joan Koenig, Tous les enfants naissent musiciens.

Livre : Pierre Lemarquis, Le pouvoir de la musique sur le cerveau des enfants et des adultes.

Livre : Michel Rochon, Le cerveau et la musique.

Article : Amy Paturel, Les enfants n'écoutent pas ? La science dit que la musique pourrait aider [EN] (2022).

Vidéo : MATH'N POP Conférence-concert Musique et Mathématiques (2019).

Musique Prim : une ressource dédiée à l’éducation musicale pour les enseignants, les musiciens intervenants, les formateurs et les corps d’inspection, comprenant une offre légale d’œuvres à écouter et de répertoires pour la chorale, accompagnée de supports pédagogiques.

Bibliographie

Aline Moussard, Françoise Rochette, Emmanuel Bigand, « La musique comme outil de stimulation cognitive » dans L’Année psychologique (2012).

Patrick E Savage, Psyche Loui, Bronwyn Tarr, Adena Schachner, Luke Glowacki, Steven Mithen, W Tecumseh Fitch, « La musique, un système coévolué de lien social » [EN] (2020).

Jayne M Standley, « L'enseignement de la musique aide-t-il les enfants à apprendre à lire ? Résultats d'une méta-analyse » [EN] dans Update: Applications of Research in Music Education (2008). Cette méta-analyse examine plusieurs études et conclut que l'instruction musicale peut avoir un effet positif significatif sur les compétences de lecture des enfants.

Assal Habibi, B Rael Cahn, Antonio Damasio & Hanna Damasio, « Corrélats neuronaux de l'accélération du traitement auditif chez les enfants qui suivent une formation musicale » [EN] dans Developmental Cognitive Neuroscience (2016). Cette étude montre que l'entraînement musical est associé à des changements dans le traitement auditif et les capacités cognitives, notamment dans des domaines reliés au langage et aux mathématiques.

Michel Rochon, Les bienfaits de la musique pour le cerveau des enfants, l’Actualité (2021).

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