Bien accompagner votre enfant pendant son entrée en CP
Nos conseils pour une année réussie
« Alors, ça y est, tu rentres à l’école des grands ? » Si votre enfant entre en CP cette année, c’est la question qu’il aura entendue tout l’été. Il quitte officiellement le monde des tout-petits et va apprendre à lire et à calculer. Mais qu’est-ce que ça signifie au fond, pour lui ? Les plus stressés dans cette histoire ne sont-ils pas les parents ?
Afin de ne pas vous laisser le cœur serré le regarder partir le jour J, nous sommes allés interroger Sylvie D., enseignante spécialisée dans l’aide pédagogique dans une circonscription d’Angers après avoir été professeur des écoles pendant près de 20 ans.
Nouveaux lieux, nouvelles règles : anticiper les besoins de son enfant face aux changements
Où sont les toilettes ? Est-ce que je vais réussir à manger seul à la cantine ? Comment s’appellera ma maîtresse ?
A l’âge de 6-7 ans, votre enfant entre dans une phase cruciale de son développement cognitif et social. Selon la théorie des stades de développement de Jean Piaget, cette période marque le début du « stade des opérations concrètes ». Votre enfant affine alors sa perception du monde et de la place qu’il joue dans celui-ci. Cette évolution, bien que naturelle, peut être source de défis pour l’enfant, particulièrement dans un contexte de grands changements comme l’entrée en CP : nouveaux lieux, nouveaux camarades, nouvelles règles… C’est pourquoi votre accompagnement est crucial pour l’aider à évoluer dans ce nouvel environnement. Pour l’accompagner au mieux, il vous faut penser à deux choses : la préparation, pour le familiariser avec ses nouvelles responsabilités, et la mise en place d’une routine, pour le sécuriser et favoriser son autonomie.
Se préparer : impliquez-le avant la rentrée
Familiarisez-le avec sa nouvelle école : rendez-vous aux portes ouvertes, faites le trajet école-maison ensemble. L’école prépare ce lien, en mettant en place des actions de découverte et de reconnaissance pendant l’année de grande section de maternelle ; mais en vous en effectuant avec lui ces actions de repérages géographiques et en les répétant, vous contribuez à le rassurer.
Favorisez son autonomie : pas évident de passer d’un sac à doudou à un vrai cartable de grand ! Prenez un temps pour lui présenter ses nouvelles fournitures scolaires et lui en expliquer l’usage. Et comment on s’en sert. Un enfant peut paniquer simplement parce qu’il ne sait pas tailler son crayon.
« Tout ce qui familiarisera l’enfant avec l’école avant la rentrée sera bénéfique et favorisera son implication », assure Sylvie.
Mettre en place une routine : l’importance du cadre
L’organisation, c’est la clé d’une année de CP réussie. « La grande nouveauté avec l’entrée en élémentaire, dit Sylvie, c’est que l’école s’invite à la maison. La mise en place d’une routine scolaire dans le quotidien permet de renforcer le lien école-maison. » La vie de l’école et la vie de la maison ne sont pas cloisonnées : chacune influe sur l’autre. Établir une routine scolaire à la maison, c’est formaliser cette continuité.
Aidez-le à gérer son matériel : veiller à la gestion du matériel scolaire est une façon simple d’accompagner votre enfant vers l’autonomie. S’il connaissait déjà les trousses et les cahiers, c’est la première fois qu’il en a la responsabilité. Il doit en prendre soin, et doit petit à petit apprendre à anticiper : préparer la tenue de sport, penser à ramener sa gourde pour la rincer… Toutes ces étapes participent au développement de sa posture d’élève.
Consacrez du temps aux leçons : grande nouveauté tant pour les petits que pour les parents, le travail à la maison fait son apparition !
Sylvie nous rappelle que « le travail à la maison ne se substitue pas à l’enseignement. » Elle ajoute qu’il ne faut pas « essayer d’introduire une méthode différente de celle utilisée en classe, ni d’avancer sur le manuel, au risque de créer de la confusion dans l’apprentissage de l’enfant. »
Le temps des devoirs a plutôt pour objectif de valoriser ses progrès. Vous découvrez sa méthode de lecture, il est fier de vous montrer ce qu’il a appris. « Cela participe à donner du sens à ses apprentissages, et l’aide à mettre en place une routine de travail qu’il devra développer tout au long de sa scolarité. »
Profitez de ce temps pour échanger avec votre enfant, pour l’interroger sur la vie de sa classe : vous en apprendrez beaucoup !
« Attention, avertit Sylvie, à ce que ce temps ne devienne pas source de tensions. Si vous rencontrez des difficultés, n’hésitez pas à demander conseil à l’enseignant. »
Introduisez le livre à la maison : si ça n’est pas déjà fait, le CP est l’année idéale pour prendre un abonnement à votre bibliothèque de quartier. La bibliothèque est un lieu idéal de découverte du livre, où l’enfant peut essayer, tester, sans crainte de se tromper. Dans un entretien avec l’AFEV, la romancière et critique littéraire Sophie Van der Linden revient sur l’importance de la littérature jeunesse dans le développe dans le développement de l’enfant, mais également dans la relation enfant-adulte qui se crée pendant ce temps de partage qu’est la lecture. « Il ne s’agit pas, soutient-elle, d’accompagner à la lecture, mais d’accompagner vers la lecture. » Lire un livre avec son enfant, c’est, ajoute-elle, « développer son imaginaire, sa curiosité du monde. » C’est également contribuer à développer « son vocabulaire, sa mémoire, sa compréhension de l’écrit », piliers indispensables à sa réussite scolaire.
La mise en place d’une routine scolaire présente plusieurs bénéfices pour votre enfant : cela favorise son besoin de cadre, lui laisse une marge d’autonomie, et développe son goût d’apprendre.
Tissez une relation de confiance avec l'école
« En élémentaire, les parents n’ont plus d’échange quotidien avec l’équipe enseignante, précise Sylvie. Cela peut être déroutant. Ne restez pas à la porte de l’école ! »
Suivez sa scolarité
Echangez régulièrement avec l'enseignant : plusieurs temps sont formalisés pour rencontrer l’équipe éducative de votre enfant : réunions de rentrée, rencontres individuelles... Vous y comprendrez le fonctionnement de la classe et la pédagogie utilisée. « Soyez proactifs, n’attendez pas les difficultés pour solliciter un RDV individualisé », recommande Sylvie.
Suivez ses progrès : le CP, c’est aussi l’année des premières évaluations nationales. Dès le mois de septembre, puis en janvier, les élèves de CP réalisent leurs premières évaluations. Ils en auront ensuite chaque année jusqu’à l’entrée au lycée.
« Faites-en un outil de dialogue avec l’enseignant pour comprendre les axes de progrès de votre enfant », préconise Sylvie.
Faites tomber la pression : apprendre à lire, c’est laborieux ! Votre enfant ne connaît pas la cursive en septembre ? Il confond encore quelques lettres à la Toussaint ? Il bute sur chaque mot à Noël ? Ça n’est pas nécessairement alarmant, car l’année scolaire dure un an. Néanmoins, si vous observez des difficultés persistantes, échangez vos impressions avec l’enseignant sur le rythme d’acquisition des fondamentaux de votre enfant.
« Le cycle 2, précise Sylvie, court du CP au CE2. Le programme y est centré sur les apprentissages fondamentaux. Chaque enfant avance à son rythme et l’apprentissage de la lecture se poursuit sur tout le cycle. »
Construire une alliance éducative solide
Chaque année, les rapports sur les inégalités en France de l’Observatoire des inégalités montrent que de nombreux facteurs déterminent la réussite ou l’échec scolaire : la maturité, l’âge, le contexte socio-économique... L’édition 2023 révèle qu’« en CP, seuls 42 % des élèves scolarisés dans les écoles les plus défavorisées (les réseaux d’éducation prioritaire +) ont une compréhension satisfaisante des mots à l’oral, par exemple, contre 75 % de l’effectif des autres écoles publiques. »
Si des difficultés d’apprentissage ou de comportement persistent, sachez que vous n’êtes pas seuls pour les gérer. De nombreux acteurs scolaires et para-éducatifs œuvrent auprès des enfants et des familles.
Les dispositifs scolaires
Ces dispositifs sont internes à l’école. Ils pallient les difficultés d’apprentissage, grâce à un accompagnement individualisé. A l’initiative de l’équipe pédagogique, ils nécessitent l’accord des parents.
- Les activités pédagogiques complémentaires (APC) offrent aux élèves qui en ont besoin un accompagnement différencié et adapté à leur rythme d’apprentissage. Elles peuvent prendre la forme d’une aide ponctuelle, d’un accompagnement méthodologique ou d’un projet pédagogique et sont animées par l’enseignant de la classe.
- Les réseaux d’aides spécialisés aux élèves en difficulté (RASED) font intervenir des enseignants spécialisés et des psychologues dans la remédiation scolaire des élèves en grande difficulté. Les intervenants accompagnent l’élève sur le temps de classe, en appui à l’équipe enseignante.
Les tiers-éducatifs
Des associations agissent sur le terrain pour lutter contre les inégalités sociales et favoriser la réussite de tous les jeunes. Citons deux d’entres elles, soutenues de longue date par la Fondation AlphaOmega et oeuvrant auprès des élèves et des familles :
- L’association Coup de Pouce propose des activités ludiques pour des petits groupes d’enfants, en lien avec les parents.
- L’AFEV accompagne, à travers du mentorat par des étudiants bénévoles, les enfants des quartiers moins favorisés en difficulté dans leur parcours éducatif, notamment dans l’accès à la lecture.
Le corps médical et les spécialistes des troubles de l'apprentissage
L’élémentaire, c’est également le moment où l’on peut détecter les troubles qui viennent entraver le développement de l’enfant. C’est l’occasion de réaliser des dépistages auprès des professionnels :
- Troubles sensoriels : ophtalmologiste, orthoptistes, ORL.
- Troubles comportementaux : psychologues, pédopsychiatres…
- Troubles du langage et DYS : bilans orthophoniques, bilan psychomoteur…
Pour conclure, dites-vous qu’avec une alliance éducative solide et des parents impliqués dans sa scolarité, votre enfant aura toutes les clés pour réussir son année de CP !
Pour aller plus loin :
- Sophie Van der Linden, Tout sur la littérature jeunesse, Paris, Gallimard, 2021, 288 p.
- Bernard Lahire, Tableaux de familles, Paris, Seuil, 1995, 297 p.
- Jacques Montangero et Danielle Maurice-Naville, Piaget ou l’intelligence en marche, Bruxelles, Editions Mardaga, 2019, 275 p.