Dans la tête d’un décrocheur
Sondage IFOP
« Nous avons voulu comprendre ce qui se passait dans l’esprit et durant le parcours d’un jeune sorti du système scolaire sans diplôme et qui devient NEET (hors études, hors formation, hors emploi), avec très peu de perspectives professionnelles. Nous avons interrogé ces jeunes* et avons identifié les moments critiques de leur parcours éducatif. Ils ont également exprimé les divers sentiments qu’ils éprouvent ou ont éprouvé tout au long de leur parcours. Le tableau est inquiétant : ils ont perdu espoir. Une réaction des pouvoirs publics et de la société s’impose. » explique Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega
Un parcours semé d'embûches
Le problème de l’insertion professionnelle des jeunes n’est pas dû seulement au chômage structurel en France. Il est d’autant plus profond pour les 1,5 millions de jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation, qu’il trouve des causes précises et identifiables à différents moments du parcours scolaire que voici :
Le premier problème se manifeste par le redoublement précoce en primaire et au collège : 32% des NEETS interrogés disent avoir redoublé en élémentaire et 35% au collège. En cause, un maîtrise insuffisante des savoirs fondamentaux (lire, écrire, calculer).
- Cela pose la question d’ancrer ces savoirs dès les premières années
Le deuxième problème ne relève pas des savoirs mais du comportement au collège. On constate que sur les 39% de NEETS dont les parents ont été convoqués pour des problèmes de comportement durant la scolarité, 65 % ont fait l’objet d’une convocation au collège. C’est en effet au collège que les jeunes sont les plus exposés aux influences extérieures, avec la prise d’autonomie, le changement d’organisation en passant d’un enseignant en primaire à huit dès la 6e.
- Cela pose la question de comment faire naître la motivation chez ces jeunes et les aider à développer leur persévérance
Le troisième problème est celui de l’orientation au lycée : sur les 34 % de NEETS interrogés qui ont abandonné les cours ou une formation durant leur parcours scolaire, 48 % l’ont fait au lycée contre 19 % au collège et 29 % dans l’enseignement supérieur.
- Cela pose la question de comment la démarche d’orientation chez ces jeunes peut être mieux accompagnée avant qu’une orientation subie les pousse à quitter le système scolaire précocement.
A ces différents moments critiques, ces jeunes ont manqué d’un accompagnement adapté et spécifique. Dans les moments difficiles, les jeunes se tournent logiquement vers les soutiens les plus proches que sont les parents et les professeurs. Ce rôle, les professeurs et les parents n’ont pas toujours ni le temps ni les moyens de l’endosser. Pourtant, il existe de nombreux acteurs-tiers dont les associations agissant en prévention du décrochage scolaire aux côtés de l’école pour épauler les enseignants et les parents. Malheureusement moins d’1 jeune sur 4 dit avoir pu bénéficier de l’action des associations.
Une mosaïque d’émotions négatives
- L’angoisse : 57 % des NEETS décrocheurs interrogés disent avoir eu peur d’échouer, en particulier les femmes (67 % contre 44 % pour les hommes) ; 54 % se sentaient angoissés en classe avec, là encore, une surreprésentation des femmes (59 % contre 46 % pour les hommes).
- Le sentiment d’être abandonné : 1 sur 2 disent avoir rencontré des difficultés familiales et 41% ne se sentaient pas soutenus dans leur scolarité par leur entourage
- Le regret : plus de 1 NEET sur 2 regrettent aujourd’hui de ne pas avoir poursuivi des études, en particulier les femmes (59% contre 47% pour les hommes)
- Le pessimisme : 85 % des NEETS ont le sentiment qu’il sera compliqué de réussir leur vie professionnelle et près d’1 sur 2 se dit pessimiste sur son avenir.
Les sentiments négatifs sont le fruit d’un parcours scolaire subi et peu motivant résultant à la fois d’une difficulté à se conformer aux attentes de l’école (le sentiment d’échouer) et d’un manque de soutien adapté aux étapes-clés, autant d’éléments sur lesquels les acteurs-tiers proposent des accompagnements sous forme de mentorat, de clubs en effectifs restreint, ou encore d’ateliers pour aborder sa scolarité sous un angle renouvelé.
« C’est la parole des NEETS qui permet de mettre en lumière les problèmes auxquels ils sont confrontés. Le problème est moins l’école que de pouvoir suivre une scolarité ayant des problématiques spécifiques en primaire, au collège, au lycée et même dans le supérieur. Des problèmes que l’Education nationale doit pouvoir aborder avec l’appui de tous les acteurs de l’éducation dont les associations. A l’heure de l’élection présidentielle, les candidats devraient prêter attention à ce que disent les NEETS car ils sont les premiers à regretter ce rendez-vous manqué avec l’école. » explique Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega.