Stage de seconde 

Orienter ou occuper les lycéens 

Si tisser un lien entre les lycéens et le monde de l’entreprise semble fondamental, cette nouvelle mesure soulève de nombreuses interrogations.

La reconquête du mois de juin en question

« Il faut reconquérir le mois de juin pour les élèves qui ne passent pas d’épreuves en fin d’année ». Cette phrase, Emmanuel Macron l’a prononcée lors d’une interview donnée au Point, en août dernier. Un constat rapidement suivi d’effet. À la rentrée 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, a annoncé l’obligation pour plus de 500 000 élèves de seconde d’effectuer une « séquence d’observation en milieu professionnel », du 17 au 28 juin prochain. Un stage de deux semaines que les lycéens peuvent effectuer dans une entreprise, une association, une administration, un établissement public ou une collectivité territoriale, précise le décret publié le 29 novembre 2023

L’objectif de ce stage de deux semaines dans le monde professionnel ? « Occuper » les lycéens en filières générales et technologiques pendant le dernier mois de l’année scolaire. Une période, correspondant à celle des épreuves du baccalauréat, pendant laquelle les élèves de seconde sont, habituellement, déjà en vacances. Mais aussi profiter de ces quinze jours pour permettre à ces jeunes d’affiner leurs projets professionnels. « L’objectif est avant tout d’améliorer sensiblement la politique d’orientation de nos jeunes, et de rendre toujours plus dynamique le lien entre l’école et les entreprises », précise le communiqué de presse du lancement de l’opération « Mon stage de seconde ».  

Un stage bien accueilli par le monde de l’entreprise

Ce nouveau dispositif, annoncé de façon soudaine en septembre, divise. S’il suscite l’inquiétude des enseignants, des élèves et de leur famille, il a été bien accueilli par le milieu professionnel. « Il s'agit là d'une stratégie gagnante pour assurer la compétitivité et la durabilité de nos entreprises à long terme », plussoie le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) sur son site internet. Le syndicat patronal souligne par ailleurs que « c’est de la responsabilité des entreprises, et c’est aussi dans leur intérêt, puisque les collégiens et lycéens d’aujourd’hui seront les salariés de demain ».

Une nouvelle mesure réaliste ? 

Deux semaines, c’est long, que peuvent faire les entreprises, si ce n’est occuper les élèves ? Mais surtout, peuvent-elle réellement absorber 560 000 jeunes sur une même période ? Rien n’est moins sûr. 200 000 offres de stage ont été promises par Gabriel Attal, l’actuel Premier ministre, et Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, lors du lancement de l’opération « Mon stage de seconde », le 30 novembre dernier. Mais sur la plateforme « 1 jeune 1 solution », ouverte le 25 mars pour aiguiller les lycéens dans leurs recherches, la réalité est tout autre. Seules 3 157 offres de stages étaient disponibles en ligne, cinq jours après son lancement, a décompté le journal Libération.

Quelle place dans la démarche d’orientation des élèves ?

Autre incohérence, la période à laquelle intervient ce stage. En juin, les lycéens auront déjà choisi leur enseignement de spécialités pour leur entrée en première. Cette nouvelle mesure pourra donc, tout au plus, conforter certains élèves dans leurs choix d’orientation, mais il sera trop tard pour les aiguiller. Le ministère de l’Éducation nationale ne le présente pas non comme un réel « plus » pour les élèves. En effet, des interrogations subsistent quant au bilan qui sera tiré de ce stage. 

Quid des élèves qui n’auront pas trouvé de stages ? 

Ces derniers pourront opter, en dernier recours, pour le service national universel (SNU). Ce séjour de citoyenneté, ouvert aux jeunes de 15 à 17 ans sur la base du volontariat, est une des alternatives envisagées par le texte officiel. Mais il est bien loin de remplir l’objectif de départ. Plusieurs syndicats de professeurs pointent du doigt une promotion dissimulée du SNU et dénoncent une « politique de tri social ». À l’image du stage de troisième, ce nouveau stage risque de creuser les inégalités entre les lycéens, qui ont un réseau pour faire un stage pertinent avec leur orientation, et ceux qui choisiront un stage par dépit ou le SNU. Autant de raisons de penser que le stage de seconde apparaît comme un dispositif inachevé et précipité. En l’état, cette nouvelle mesure interroge sur sa finalité et semble être un prétexte pour « reconquérir le mois de juin », plus qu’un réel outil d’orientation. 

 

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