Intelligence artificielle à l'école

Que penser de ChatGPT ?

Qui n’a pas entendu ce nom étrange ces dernières semaines ? ChatGPT, un agent conversationnel qui joue les intermédiaires entre un cerveau artificiel GPT-3 et les internautes ? Concrètement, il s’agit d’une interface par laquelle n’importe qui peut passer, comme nous le faisons tous les jours avec Google, pour poser ses questions avec une différence de taille : on questionne une intelligence artificielle capable de gérer 175 milliards de paramètres ! En quoi c’est significatif ? Cela permet de formuler des demandes de manière plus naturelle sur tous les sujets et d’obtenir une réponse synthétique sous forme de texte qu’un humain pourrait écrire plutôt qu’une liste de sites où trouver l’information.

Eh bien, depuis maintenant 1 mois la profession d’enseignants est très agitée car elle a perçu certains enjeux que pose cette innovation technologique majeure apparue le 9 décembre dernier : les devoirs à la maison faits par ChatGPT, la triche aux examens depuis les exercices de maths en primaire jusqu’aux épreuves de droits en L2. Une forme de panique s’est emparée du corps enseignant comme si les robots travaillaient désormais à la place des élèves en à peine plus d’un mois ! Faut-il pour autant faire barrage à GPT-3 sachant que la prochaine version GPT-4 arrivera à brève échéance avec, cette fois, la capacité de gérer 100 000 milliards de paramètres ? 

Autant dire que la question n’est plus au « pour ou contre ChatGPT » mais à « comment utiliser ce nouvel outil » aussi incontournable que Google depuis 20 ans ou Internet depuis bientôt 30 ans. Par curiosité, je me suis demandée ce que valait ChatGPT en utilisation réelle, en me posant des questions sur son utilité dans le domaine de l’éducation et surtout au regard de ce qu’apportent les associations soutenues par la Fondation AlphaOmega.

Il s’agit, vous le comprendrez, d’une démarche assez expérimentale :  pas de grandes théories, juste quelques tests pour se faire une idée de la puissance de ce robot qui pourrait prendre une part grandissante aux côtés des élèves.

Pour commencer, j’ai simplement demandé à ChatGPT de s’expliquer de manière critique et de faire sa propre analyse de son apport potentiel à l’éducation. 

Cela a donné le texte suivant :

ChatGPT est un modèle de langage développé par OpenAI qui a été entraîné sur un grand corpus de textes en ligne. Il peut être utilisé pour générer du texte de manière autonome, en réponse à des prompts ou des questions données.

En tant qu'outil pour l'enseignement, ChatGPT peut être utilisé de différentes manières :

Pour générer des idées de sujets de travail ou de projets pour les élèves, en leur fournissant des prompts qui leur permettront de se lancer dans une recherche ou une rédaction sur un sujet donné.

- Pour aider les élèves à améliorer leur écriture, en leur proposant des exemples de phrases ou de paragraphes qui respectent les règles de grammaire et de style, et en leur donnant des conseils pour améliorer leur écriture.

- Pour aider les professeurs à préparer leurs cours ou leurs leçons, en leur fournissant des idées de sujets à aborder ou des exemples de questions à poser aux élèves.

- Pour aider les élèves à comprendre un sujet difficile, en leur proposant des explications simples et concises qui les aideront à mieux saisir les concepts.

Il est important de noter que ChatGPT n'est pas conçu pour remplacer les professeurs ou les éducateurs, mais plutôt pour les aider à donner un meilleur enseignement et à fournir une aide supplémentaire aux élèves qui en ont besoin. En effet, il ne peut pas remplacer la présence et le soutien humain dans l'enseignement.

Mon avis :

Le résultat est écrit de manière structurée, intelligible mais à mon sens, peu imaginatif, en tout cas, je pourrais difficilement me contenter de ce texte. Pour obtenir, une réponse approfondie, il faut demander à chaque nouveau questionnement de ChatGPT des informations plus spécifiques.

J’ai alors décidé de tester les réactions du robot en me concentrant sur une partie de l’éducation sur laquelle la Fondation AlphaOmega travaille avec l’association Coup de Pouce : le renforcement des fondamentaux en lecture et mathématique, pour voir comment on pouvait l’exploiter. J’ai posé à ChatGPT la question suivante : « dans le domaine de l’apprentissage de la lecture, qu’est-ce que tu peux apporter à un enfant qui apprend à lire mais a peu de vocabulaire ? ».

Ce à quoi le robot m’a répondu :

ChatGPT peut aider un enfant qui apprend à lire en lui offrant des phrases et des textes simples à lire, ainsi qu'en lui fournissant des définitions pour des mots qu'il ne connaît pas. Cela peut également l'aider à améliorer son vocabulaire en lui montrant comment les mots sont utilisés dans différentes phrases et contextes. Cependant, il est important de noter que ChatGPT est un modèle de traitement de langue automatisé et ne peut pas remplacer complètement l'interaction humaine dans l'apprentissage de la lecture. Il est important de consulter un enseignant ou un professionnel de la petite enfance pour un accompagnement plus complet.

Pour aller plus loin et faire une comparaison avec l’approche méthodologique des clubs Coup de Pouce en lecture, j’ai demandé à ChatGPT quelles étaient les meilleures façons d’acquérir les fondamentaux :

Il existe plusieurs méthodes efficaces pour aider les enfants à acquérir les fondamentaux de la lecture :

1. L'apprentissage de l'alphabet : enseignez à l'enfant les lettres de l'alphabet, leur nom et leur son.

2. La reconnaissance des mots : enseignez à l'enfant à reconnaître des mots courants tels que les noms, les verbes et les adjectifs.

3. La lecture à haute voix : lisez des livres à haute voix à l'enfant et encouragez-le à lire à haute voix également.

4. L'écriture : encouragez l'enfant à écrire des mots et des phrases simples.

5. La répétition : répétez régulièrement les exercices d'apprentissage de la lecture avec l'enfant pour renforcer les compétences acquises.

6. L'utilisation d'outils pédagogiques : utilisez des jeux, des puzzles, des livres d'images pour aider l'enfant à associer les mots et les images.

Il est important de noter que chaque enfant est différent et peut apprendre de manière différente, il est donc important de s'adapter à ses besoins individuels. Il est également important de consulter un enseignant ou un professionnel de la petite enfance pour un accompagnement plus complet.

Dans un premier temps, ChatGPT explique assez synthétiquement comment acquérir les fondamentaux à part quelques oublis. En comparant ce contenu généré avec l’approche de l’association Coup de Pouce qui est en pointe sur ces questions, je retrouve les points communs suivants :

- la reconnaissance des mots qui fait l’objet chez Coup de Pouce d’un travail spécifique où les enfants découvrent à la fois des nouveaux mots, apprennent à les reconnaître, mais font également avec l’enseignant, des rapprochements avec des homonymes, trouvent des synonymes, des antonymes, etc.

- L’utilisation de jeux,

- La lecture à haute voix.

Là où ChatGPT passe à côté du but de mon point de vue, c’est en « oubliant » la lecture d’histoires qui donne le goût de la lecture. Cette activité quand elle est pratiquée avec d’autres personnes comme les parents ou les enseignants permet à l’enfant d’associer la lecture au plaisir. Or si l’on prend ChatGPT, non pas comme une solution mais plutôt comme une aide pratique et créative, le robot peut se montrer très utile pour certaines tâches comme inventer des histoires. On sait à quel point en tant que parent, il est peu évident de répondre à la demande d’histoires des enfants ! 

Cela m’a donné l’idée de tester la création d’histoires par ChatGPT et j’ai trouvé que l’outil était très utile. Les histoires générées sont plutôt sympathiques, le style est simple et limpide et cela peut tout à fait aider le parent à avoir une activité de lecture régulière avec son enfant. 

On peut imaginer des activités impliquant le parent et l’enfant. Par exemple, le parent peut demander à l’enfant quelle histoire il voudrait lire, donner des idées sur les personnages, le lieu en rapport avec ses centres d’intérêt. Ou encore le parent peut vouloir une histoire créée spécialement autour d’un sujet spécifique : un pays à découvrir, une situation à laquelle l’enfant peut être confronté, etc. C’est du sur-mesure et en soi c’est une grande réussite !

Toujours par rapport à l’expérience de Coup de Pouce qui utilise notamment l’approche ludique pour aider les enfants en CE1 à consolider les fondamentaux en mathématiques, j’ai demandé à ChatGPT de créer un jeu pour se familiariser avec les additions, avec le résultat suivant :

Un jeu autour des mathématiques pour un enfant de 7 ans pour lui apprendre les additions. Voici quelques idées :

1. Utiliser des cartes à jouer ou des jetons pour représenter les nombres et les opérations d'addition.

2. Créer des planches de jeu ou des labyrinthes où l'enfant doit résoudre des opérations d'addition pour avancer.

3. Concevoir un jeu de société où les joueurs doivent résoudre des opérations d'addition pour gagner des jetons ou des points.

4. Utiliser des images ou des objets réels pour rendre les opérations d'addition plus concrètes pour l'enfant.

5. Utiliser des chiffres et des symboles pour créer des énigmes mathématiques amusantes pour l'enfant à résoudre.

Il est important de garder à l'esprit que les enfants de cet âge apprennent mieux en jouant et en utilisant des exemples concrets, donc les jeux devraient être amusants et interactifs pour les aider à comprendre les concepts mathématiques de manière ludique.

Je dois dire que je suis restée sur ma faim tant le robot survole la question avec quelques pistes qu’il doit être possible d’exploiter en lui demandant plus précisément d’imaginer un jeu et des règles pour l’une de ces idées. Toujours est-il, que le corpus de jeux de Coup de Pouce est largement éprouvé pour ses qualités pédagogiques, et que le robot ne peut s’improviser expert dans ce domaine malgré le fait qu’il accède à toutes les informations disponibles sur le web jusqu’en 2021. 

Après test, il apparaît néanmoins assez facile de générer des exercices et des problèmes en rapport avec les programmes du primaire ce que beaucoup d’enseignants se sont empressés d’expérimenter avec des résultats intéressants, par exemple en demandant à la fois un intitulé, la notion de maths sur laquelle travailler et la résolution de l’exercice :

Il y a 8 personnes qui partagent un gâteau d'anniversaire qui a été coupé en 12 parts égales. Combien de parts de gâteau chaque personne obtiendra-t-elle ?

Pour résoudre cet exercice, vous pouvez utiliser la notion de fraction pour déterminer combien de parties d'un tout est obtenu par chaque personne. La fraction qui représente la part de gâteau obtenue par chaque personne serait de 8/12, ou également 2/3. Cela signifie que chaque personne obtiendra 2 parties sur les 12 parties que compose le gâteau.

On pourrait à l’envi tester pendant des heures les possibilités du robot dans des domaines où les associations éducatives interviennent comme trouver des conseils pratiques pour développer ses compétences psychosociales, ou quand l’élève prépare son orientation pour poser directement des questions sur les études, les métiers qui recrutent dans leur région, les filières d’avenir, etc. Les domaines d’application sont infinis et c’est réjouissant d’imaginer toute l’aide que ce robot va pouvoir apporter aux élèves comme aux enseignants. Mais on peut comprendre l’appréhension du corps enseignant à voir un outil d’une telle puissance non maîtrisée entre les mains des élèves et notamment les risques déjà en lumière aujourd’hui où pullulent sur les réseaux fake news, complotismes et théories pseudo-scientifiques.

ChatGPT, comme les autres technologies internet, nécessite un accompagnement et une éducation à l’information. Avoir accès à la montagne d’informations disponible ne suffit pas pour obtenir la bonne information, utile et exploitable. Il faut apprendre à formuler une demande pour obtenir une réponse de qualité et développer son esprit critique en recoupant plusieurs sources pour mettre en perspective l’information qui est donnée. Ce n’est qu’à cette condition que le robot sera pleinement utile dans son rôle d’appui à l’éducation.

Elisabeth Elkrief, directrice générale de la Fondation AlphaOmega

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