Education physique et sportive

Un angle mort des parcours scolaires

 

Sur le papier, les élèves français consacrent de nombreuses heures au sport de la maternelle au lycée mais la réalité est moins positive et l’éducation physique et sportive (EPS) cherche toujours son identité pédagogique dans le curriculum scolaire.

Le sport est obligatoire à l’école en France de la maternelle au lycée depuis plus d’un siècle et contrairement aux idées reçues la France est l’un des pays développés qui consacre - en théorie - le plus de temps à l’éducation physique et sportive : 14 % du temps scolaire contre 7 % en moyenne dans des pays comparables. À raison de 3 heures à la maternelle, à l’école primaire et au collège, et de 2 heures au lycée auxquelles peuvent s’ajouter des heures en options.cours d'escalade au lycée

À ces emplois du temps, s’ajoutent, en théorie, 30 minutes de sports quotidien en primaire, une promesse du candidat Emmanuel Macron de 2022. Mais, la mise en œuvre de cette idée qui devrait faire de la France une nation sportive, olympique et en bonne santé s’est avérée difficile. Les écoles primaires disent n’avoir ni le temps ni les locaux pour ces activités, vite transformées en récréation prolongée.

Le sport à l’école concerne 12,4 millions d’élèves, et l’incitation à la pratique d’activités sportives (le sport scolaire facultatif) en réunit 2,02 millions dans deux associations liées aux écoles (USEP) et aux établissements scolaires du second degré (UNSS). 

En dépit de ces bons chiffres, l’EPS reste un parent pauvre et souvent mal aimé de l’Éducation nationale aux objectifs mal définis entre matière éducative à part entière, pépinière de champions ou simple instrument hygiéniste contre la sédentarité.

En revanche, au niveau universitaire, les formations liées au sport, les STAPS, (sciences et techniques des activités physiques et sportives) sont devenues très demandées, à raison de 20% des souhaits de Parcoursup en licence. Les STAPS représentent 8% des masters. Les STAPS sont destinées aux étudiants qui veulent faire carrière dans la gestion des activités sportives (clubs, fédérations) ou liées au bien-être ou à la médiation par le sport. Mais, devant cette demande accrue, l’Université a eu du mal à répondre à ces demandes et la filière est tendue, par manque de moyens et de personnel.

De la gym à l’EPS

L’EPS, longtemps appelée gymnastique, a ainsi été ballotée durant les XIXe et XXe siècles entre plusieurs ministères de tutelle, hésitant entre les ministères du Sport, l’Enseignement, la Santé ou même la Guerre et les Armées.

L'éducation physique est devenue une discipline dans le secondaire, sous l'appellation de « gymnastique », depuis un décret de 1869 ; mais, c’est en 1880 que Jules Ferry alors ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts doit rappeler que la gymnastique est obligatoire dans tous les établissements d'instruction publique de garçons et de filles. La « gym » est née.

C’est un siècle plus tard, en 1981, sous la présidence de François Mitterrand que la « gym » devenue EPS réintègre définitivement l'Éducation nationale.

Des objectifs multiples et contradictoires

Selon les textes officiels, « l’EPS contribue à développer une culture de l’activité physique régulière et durable, levier indispensable de l’amélioration de la santé publique. En tant que discipline d’enseignement, elle permet à chaque élève de se réaliser en construisant une relation assumée à son corps. Respectueuse des différences de potentiels, de ressources et de sexe, luttant contre les stéréotypes sociaux et résolument inscrite dans une école inclusive, l’EPS offre à tous l’occasion d’une pratique physique, sportive, artistique qui fait toute sa place au plaisir d’agir ».coach stade football pour adolescents

Ces déclarations d’intention tentent de concilier, selon les sociologues du sport, trop d’objectifs et sont sur le terrain souvent difficiles à tenir. Comme l’écrit Guillaume Dietsch, spécialiste de l’enseignement du sport : « Le système éducatif français semble encore effectuer une forme de hiérarchisation entre la culture intellectuelle et la culture corporelle, un dualisme cartésien entre le corps et l’esprit. D’un point de vue culturel, les apprentissages en EPS peinent à être considérés comme fondamentaux pour l’épanouissement de l’enfant et le développement de compétences psychosociales ». D’autres spécialistes débattent même d’enlever le « s » d’EPS !

Dans un rapport titré « L’école et le sport : une ambition à concrétiser » et datant de 2019, la Cour des Comptes écrit ainsi : « si le sport à l’école est souvent considéré en France comme un « angle mort » de la scolarisation, c’est moins en raison d’un manque de moyens que d’une conception extrêmement complexe, peu pilotée et coordonnée ».

Cette « conception » de l’EPS peut expliquer que nombre de jeunes Français arrêtent de pratiquer un sport après le lycée. Le ministère note ainsi : « Si un tiers des jeunes de 11 à 18 ans a régulièrement une activité physique, le taux d’inactivité et de sédentarité de la population française reste important pour les deux tiers qui n’accèdent pas aux recommandations de l’organisation mondiale de la santé. Le décrochage de l’activité physique s’opère majoritairement à partir de 17 ans, au terme de l’enseignement obligatoire d’EPS, plus massivement chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes ».

À l’adolescence à l’âge où se construisent les corps et se forment les représentations physiques, l’EPS est souvent mal aimée ou mal perçue surtout par les jeunes filles, malgré les efforts des collèges et lycées d’être inclusifs. Les cours de natation sont ainsi souvent redoutés.

Les exemples étrangers 

Autre limite de l’EPS en France : l’EPS peine à servir de pépinière à champions malgré la création de section sport études ou l’instauration de liens entre les collèges, leurs associations sportives et les clubs et fédérations sportives. Les exemples étrangers, notamment l’Espagne, l’Allemagne et les Pays-Bas, montrent que leurs écoles ont su tisser depuis longtemps des liens avec des clubs locaux proches des lieux d’enseignement. La waterpolo en piscine à l'écolepratique du sport à l’école est ainsi plus ouverte et les scolaires ont plus facilement accès à des gymnases, stades, piscines grâce à ces liens. Cette proximité permet de réduire les temps de trajet qui en France limitent le temps réel de la pratique du sport. Les enseignants d’EPS disent que souvent la moitié des 3 heures d’EPS sont prises par les transports.

Enfin, plus récemment, les enseignants d’EPS constatent une concurrence croissante des réseaux sociaux, des montres connectées et des applis spécialisées comme Strava qui privilégient les performances individuelles ou ludiques au détriment des valeurs solidaires des collectives du sport. 

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