"Obligatoire, laïque et gratuite"

Qu'est-ce qu'une école laïque ?

La circulaire controversée sur les Abayas, promulguée par le ministre de l’Éducation Gabriel Attal, a mis la question de la laïcité à l’école au centre du débat durant la rentrée 2023. Notre modèle est-il encore adapté aux enjeux du XXIe siècle ? 

Historiquement, c’est dans le cadre scolaire que les partisans de la laïcité ont obtenu leurs premières victoires au XIXe siècle. Les lois de Jules Ferry sur l’école en 1881 et 1882 puis la loi Goblet de 1886 font sortir progressivement l’école de la tutelle du clergé pour fonder cet enseignement laïc qui sera le socle de la République. Qu’est-ce que cela signifiait pour l’école de devenir laïque ? Beaucoup de choses, qui nous semblent aujourd’hui évidentes: des programmes neutres religieusement et idéologiquement, la possibilité de recruter le personnel enseignant hors du clergé, un enseignement fondé sur la raison, la science et la citoyenneté plutôt que sur la foi, enfin et surtout, le maintien d’une neutralité religieuse permettant aux élèves de toutes les croyances de poursuivre leur scolarité sans être discriminés ou subir de pressions. La laïcité à l’école n’est pas pour autant un effacement du religieux ou une attaque contre la foi des élèves : elle permet à chacun de croire ou de ne pas croire, de pratiquer sa religion, du moment que cela ne nuit pas au climat de neutralité religieuse de l’école. Les dates des fêtes des différents cultes sont, chaque année, inscrites au journal officiel et les élèves peuvent sans préjudice manquer l’école à ces dates pour les célébrer. De même, les cantines scolaires fournissent des options alimentaires en cohérence avec les différents interdits religieux, afin qu’aucun élève n’en soit exclu. Pourtant, au début des années 2000, la question de la laïcité à l’école va susciter d’importants débats.

Signes religieux ou signes ostentatoires ?

C’est autour du voile islamique, ou "foulard", que s’est cristallisée la controverse sur la question des signes religieux à l’école. C’est celle qui, encore aujourd’hui, crée le plus de tensions et d’incompréhensions. Deux principes cardinaux de la laïcité y entrent en contradiction. D’une part, le respect des pratiques religieuses des élèves et d’autre part le principe de neutralité dans l’environnement scolaire. Le voile, la kippa, les crucifix sont-ils de simples accessoires de pratiques ou des signes religieux ostentatoires ? La loi de 2004 tranche en faveur de la deuxième option et interdit, pour les mineurs, le port de signes religieux et de tenues manifestant trop ostensiblement une appartenance religieuse. Malgré ce dispositif, la question de la laïcité à l’école a continué de susciter des débats houleux, et des réponses législatives et réglementaires régulières. Tandis que les atteintes à la laïcité se multiplient, l’Éducation Nationale renforce les dispositifs tout en misant sur la pédagogie et l’enseignement des valeurs républicaines auprès des élèves. En 2013, une charte de la laïcité comprenant quinze articles est affichée dans l’ensemble des établissements scolaires français et sert de support à l’apprentissage des principes laïcs. Certaines voix condamnent toutefois une vision trop stricte de la laïcité, jugée liberticide et discriminatoire, en particulier envers l’Islam, estimant que les dispositifs stigmatisent tout particulièrement les élèves musulmans, comme ce fut le cas pour l’Abaya. Deux visions de la laïcité et de la liberté religieuse se font désormais face en France et semblent de plus en plus irréconciliables. Quel modèle pour ressouder l’école républicaine face aux enjeux de demain ? 

Glossaire :

  • Signes religieux : Symboles, objets ou vêtements exprimant une affiliation religieuse ou des pratiques spirituelles. Ces signes peuvent inclure des objets tels que des croix, des étoiles de David, des turbans, des hijabs, des kippas, etc.

  • Prosélytisme : Promotion active d'une religion, d'une croyance ou d'une idéologie, dans le but de convertir d'autres personnes à cette conviction particulière. 

  • Accommodement raisonnable : Mesures spéciales pour répondre aux besoins d'une personne ou d'un groupe de personnes qui, en raison de leurs croyances religieuses, de leur handicap ou d'autres caractéristiques, pourraient être désavantagées ou discriminées dans certains contextes. 

Chiffres clés :

  • Un attachement à la laïcité moins prononcé parmi les jeunes générations (61% chez les 18-24 contre 87% chez les plus de 65 ans selon une enquête Viavoice de Janvier 2020)

  • Plus de la moitié des atteintes à la laïcité liées à des tenues ou signes religieux (Source Éducation Nationale)

  • Deux tiers des principaux de collège déclarent qu’il n’existe pas de problème de remise en cause de la laïcité dans leur établissement.

Pour aller plus loin :

Un pas de côté :